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Vers un nouveau Kazakhgate : sauver le soldat Massimov

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De gauche à droite : Madina Abllyazova (fille de l'oligarque), son père Mukhtar Ablyazov, Lyudmila Kozlovska (ODF) et Pier-Antonio Panzeri - Parlement européen - 2017

Ce 28 juillet 2023, nous avons révélé qu'une ONG basée à Bruxelles soupçonnée d'être financée par un oligarque kazakh en fuite était accusée par l'Ukraine de défendre les intérêts russes, alors même que Bruxelles s'est pleinement engagée à soutenir Kiev. Dans cette deuxième partie, nous allons encore plus loin dans notre enquête - écrit Paul Ymepatraux dans PAN

L'oligarque traître Mukhtar Ablyazov, écrivions-nous, nie être le financier secret de l'Open Dialogue Foundation (ODF). L'ODF aussi. De quel acte, la Justice dira peut-être un jour ce qu'il en est. Mais certaines choses ne peuvent être niées. Entre autres choses, le fait que Lyudmila Kozlovskaya, la directrice de l'ODF, ait défendu Ablyazov pendant des années. Pour ce faire, il a pu bénéficier de nombreux soutiens au Parlement européen. On retrouve également l'eurodéputée belge Mari Arena...

Parmi tous ces amis de circonstance, il y en a sans doute un que les protagonistes de cette affaire préféreraient oublier. L'ineffable Pier-Antonio Panzeri, bien connu désormais pour avoir créé la centrale corrompue qui est au cœur de l'enquête du Qatargate, n'a ménagé aucun effort pour défendre celui qu'il présentait comme un malheureux opposant injustement persécuté by Kazakhstan. Le hasard, sans aucun doute. Pourtant, Panzeri a reçu Ablyazov et Kozlovskaya au Siège du Parlement européen à Strasbourg en mai 2019, comme en témoigne la photographie que nous publions.

Des faits révélés au juge Michel Claise, mais sans réaction

Autre fait indiscutable : une avocate kazakhe réfugiée à Bruxelles, Botagoz Jardemalie, qui était étroitement associée à Ablyazov au moment de son détournement de fonds (il faut toutefois souligner qu'elle n'a jamais été condamnée ni même inculpée dans ce cadre) très est récemment devenu un lobbyiste officiel de l'ODF au Parlement européen. Pourtant, en 2019, Mme Jardemalie a participé, à une place d'honneur, à une "audition" organisée par Panzeri au Parlement européen sur les droits de l'homme. Le monde est décidément petit…

Deux dates, donc, au moins : 2017 et 2019. Ça commence à remonter un peu, certes, mais ce n'est quand même pas antédiluvien. Connaissant l'attrait de Panzeri (qui, ayant bénéficié du statut de "repenti" est en confession) pour l'argent facile, et étant donné que, selon ses propres dires, il avait commencé à jeter les bases de ce qui allait devenir son vaisseau amiral ( l'ONG "Fight Impunity") dans l'organisation de la corruption au Parlement européen alors qu'il était encore membre de cette estimable institution, il est permis de s'interroger sur les motivations exactes qui étaient les siennes lorsqu'il défendait le richissime fugitif (condamné, disons rappelez-vous, au Royaume-Uni).

On peut révéler aujourd'hui que la proximité entre Panzeri, l'ODF et Ablyazov avait été révélée au juge Michel Claise dès le 13 décembre 2022, dans un message électronique envoyé par un bon connaisseur du dossier. Pas de réaction. Le juge avait probablement trop à faire. Allons-nous en.

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Une « audition » sur les droits de l'homme, au siège bruxellois du Parlement européen : au centre, Pier-Antonio Panzeri, deuxième en partant de la droite (et à l'écran), Botagoz Jardemalie - 19 février 2019

Où nous trouvons Maria Arena

L'intérêt de Panzeri pour le Kazakhstan ne s'est pas arrêté à Mukhtar Ablyazov. Bien plus récemment, quelques mois seulement avant son arrestation, à l'été 2022, notre homme s'est pris d'affection pour une autre "victime" du régime kazakh : l'ancien chef des services secrets Karim Massimov.

Karim Massimov a eu une brillante carrière qui l'a mené des affaires à la politique, puis à la direction des services secrets de son pays, le KNB. Premier ministre de 2007 à 2012, puis de 2014 à 2016, chef de l'administration présidentielle entre ses deux nominations au poste de chef du gouvernement, il a été placé, en 2016, à la tête du Comité de sécurité nationale. Un poste qu'il a occupé jusqu'à début janvier 2022.

Massimov a depuis été arrêté puis condamné à 18 ans de prison pour haute trahison, accusé d'avoir tenté de renverser le président Tokaïev en janvier 2022.

Chacun a bien sûr le droit d'être défendu et il n'était pas illégitime de s'inquiéter des conditions de détention et de la comparution de Karim Massimov. Mais on peut tout de même trouver des cas plus emblématiques de "défenseur des droits de l'homme" à promouvoir que celui d'un homme qui n'a pas hésité à violer ces droits lorsqu'il était à la tête du gouvernement, puis du KNB. La dispersion de petites manifestations, l'interdiction des médias indépendants, la persécution des opposants et autres arrestations arbitraires étaient monnaie courante. Par exemple, en 2015, « Human Rights Watch » a écrit : « Le Kazakhstan restreint sévèrement la liberté de réunion, d'expression et de religion. En 2014, les autorités ont fermé des journaux, emprisonné ou condamné à des amendes des dizaines de personnes après des manifestations pacifiques et persécuté des croyants pour avoir pratiqué leur religion en dehors du contrôle de l'État. »

C'est donc cet homme – lui aussi étroitement lié à la corruption de l'ancien président kazakh Noursoultan Nazarbaïev – que Panzeri et ses acolytes avaient décidé de transformer en « martyr de la liberté ».

Et Panzeri a pu compter sur un solide soutien. Celle de Maria Arena, qui lui avait succédé à la tête de la sous-commission des droits de l'homme (DROI) au Parlement européen… En novembre 2022, Maria Arena écrivait à l'ambassadeur du Kazakhstan à Bruxelles (une copie de cette lettre est dans notre possession) pour lui demander la "libération immédiate et sans condition de M. Karim Massimov".

Il est fort possible que Mme Arena, dont on sait qu'elle a été fortement influencée par Pier-Antonio Panzeri, ait été abusée par lui. Mais il convient de rappeler ici que dans un mandat d'arrêt lié au Qatargate, le juge Michel Claise a décrit Maria Arena comme appartenant à "un quatuor [d'eurodéputés] agissant sur ordre de Panzeri".

Bref, cette histoire est un véritable sac à dos, dans lequel la justice belge refuse, pour des raisons obscures, de mettre son nez. Il pourrait être bon, cependant, de le faire. Et rapidement. L'ODF et Mme Kozlovskaya ont récemment étendu leurs activités aux Etats-Unis où ils prétendent défendre la cause ukrainienne. Mais, comme le soulignait il y a quelques semaines le média spécialisé « Intelligence Online », aucun n'est mandaté ou financé par une quelconque autorité à Kiev. DONC? Qui paye? Inévitablement, tous les regards se tournent à nouveau vers Ablyazov…

Peut-être que toute cette affaire n'est qu'un réseau de coïncidences. Peut-être que les soupçons sur ODF, Kozlovskaya ou Jardemaly ne sont pas fondés (pour Ablyazov, en tout cas, on sait qu'ils ne le sont pas, comme dans le cas du corrupteur Panzeri).

Comme nous l'écrivions hier, il est de l'intérêt de la Belgique, siège des deux plus importantes institutions occidentales, de clarifier cette question. Sinon, si un scandale éclate un jour, il faudra rendre des comptes.

Paul Ymépatraux, PAN

NDLR : A l'exception de Mukhtar Ablyazov, condamné à plusieurs reprises, et de Pier-Antonio Panzeri, en aveux de corruption, toutes les personnes citées dans cette enquête sont actuellement présumées innocentes

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EU Reporter publie des articles provenant de diverses sources extérieures qui expriment un large éventail de points de vue. Les positions prises dans ces articles ne sont pas nécessairement celles d'EU Reporter.
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