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Une ONG bruxelloise et un oligarque kazakh en exil au service de la Russie ?

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Alors que l'Union européenne dépense des milliards et vide ses stocks d'armements pour aider l'Ukraine dans sa guerre contre la Russie, une ONG, basée à deux pas de la Commission européenne, est soupçonnée par Kiev d'être un cheval de Troie de Moscou. Les autorités ukrainiennes ont ouvert une enquête. PAN est capable d'aller plus loin : Bruxelles est désormais au centre de manœuvres d'influence occultes qui pourraient déboucher sur un nouveau "Kazakhgate". Une enquête hallucinante dans laquelle on rencontre Pier Antonio Panzeri, l'acteur principal du Qatargate et l'eurodéputée belge Maria Arena… écrit Paul Ymepatraux dans PAN.


Mukhtar Ablyazov et l'Open Dialogue Foundation (ODF) ne sont pas étrangers aux lecteurs de Pan. Le 30 mars 2022, notre journal a consacré un article au soutien inconditionnel que l'Honorable Guy Verhofstadt leur avait apporté dans les couloirs du Parlement européen (« Guy Verhofstadt défend une sulfureuse ASBL pro-russe », PAN, 30 mars 2022). On écrivait alors : « A Varsovie, on murmure, dans les milieux bien informés, que l'ODF serait une « couverture » pour les services de renseignement russes ».

Seize mois plus tard, les choses n'ont guère bougé à Bruxelles (d'un point de vue politique et judiciaire, bien sûr), mais elles ont nettement progressé à… Kiev. Et l'Ukraine bénéficie de tout le soutien de l'UE, de l'OTAN et donc de la Belgique, il deviendra difficile de continuer à fermer les yeux. Même si notre plat pays est particulièrement doué pour cet exercice.

Un oligarque poursuivi pour un détournement de fonds colossal

Moukhtar Ablyazov n'est cependant pas n'importe qui. Cet ancien banquier kazakh a détourné entre 6 et 9 milliards de dollars alors qu'il dirigeait la banque BTA dans son pays d'origine. Pour ces faits il a été condamné au Kazakhstan mais aussi au Royaume-Uni où des biens immobiliers lui appartenant ont été saisis et des sommes importantes présentes sur ses comptes bancaires saisies.

Basé en France, il a été l'acteur principal d'une véritable saga politico-judiciaire qui a vu Paris l'emprisonner (en vue de son extradition vers la Russie ou le Kazakhstan) plusieurs années avant de lui accorder le statut de réfugié. (au mépris total du "système de Dublin" qui oblige le candidat réfugié à postuler dans le premier pays sûr où il arrive, en l'occurrence pour Ablyazov, le Royaume-Uni) puis d'ouvrir une enquête contre lui pour détournement de fonds et blanchiment d'argent (toujours pour l'affaire BTA et finalement pour lui retirer son statut de réfugié au motif qu'il n'était pas, comme il le prétend, un opposant politique au régime kazakh mais un escroc en fuite. La décision a depuis été confirmée, Ablyazov se trouve désormais dans une situation inédite : d'une part, sous enquête judiciaire, il fait l'objet de mesures de contrôle qui lui interdisent de quitter le territoire français, mais d'autre part, son statut de réfugié étant définitivement refusé, il ne peut pas y rester… Une vraie saga, on vous l'a dit !

C'est à ce moment où il devait se sentir très seul que notre homme aurait été informé que les autorités ukrainiennes avaient ouvert une nouvelle enquête contre lui, cette fois pour avoir « aidé la Russie » dans sa guerre contre Kiev. Il l'a annoncé lui-même sur sa page Facebook le 6 juillet.

Au passage, il nous apprend que l'ODF et sa directrice, Lyudmila Kozlovskaya (une résidente belge), font l'objet de la même enquête. L'ODF, faut-il le rappeler, consacre depuis des années une énergie considérable à la défense d'Ablyazov, victime, selon elle, d'injustes persécutions politiques.

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Sur Facebook, donc, Ablyazov se déchaîne et affirme qu'il n'a jamais soutenu Moscou, que ni l'ODF ni Mme Kozlovskaya ne sont des "agents du Kremlin" et qu'il n'a d'ailleurs rien à voir avec le fonctionnement de cette association qui certains l'ont accusé de financement (de longue date) en secret.

Néanmoins, nous sommes en mesure d'apporter de nouveaux éléments au dossier.

La patronne de l'ODF et une de ses collaboratrices ont signalé au Conseil de l'Europe

Au service de Moscou ?

Un vent favorable nous a envoyé une lettre adressée le 26 octobre par Mariia Mezentseva, présidente de la délégation ukrainienne à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) au secrétaire général de cette institution au-dessus de tout soupçon. La parlementaire ukrainienne accuse noir sur blanc Lyudmila Kozlovskaya de faire l'objet d'une enquête pour "trahison et financement du terrorisme" à Kiev et sous-entend assez lourdement qu'elle pourrait "travailler pour les services spéciaux russes" et être impliquée dans des activités de blanchiment d'argent ( probablement dans le cadre de ces activités pro-russes).

Elle rappelle au passage que le frère de Mme Kozlovskaya (qui serait également l'un des financiers de l'ODF) possède une société "Mayak", basée en Crimée (occupée illégalement par la Russie depuis 2014) et que Mayak serait un fournisseur de la marine russe en Sébastopol. Enfin, elle demande que le Secrétariat général de l'APCE informe les autorités françaises de ces faits.

Une semaine plus tard, le 31 octobre, c'est le président du groupe des Conservateurs européens et de l'Alliance démocratique à l'APCE (ECDA), Ian Liddel-Grainger qui accuse le directeur de l'ODF de comportement inapproprié (en matière de harcèlement de députés) et « manquements répétés à la sécurité et aux règles de procédure ». Cette lettre est également en notre possession.

Bref, contrairement à ce qu'affirme Ablyazov, les enquêtes et soupçons impliquant Lyudmila Kozlovskaya et l'ODF ne sont pas si récents. Bien sûr, des accusations et même une enquête ne garantissent pas la culpabilité de ceux qu'ils visent, mais il est peut-être temps de faire la lumière sur une affaire de plus en plus trouble.

Au vu de ce qui précède, on pourrait penser qu'il serait du plus haut intérêt qu'une enquête officielle détermine si oui ou non l'ODF et son président sont liés à la Russie. C'est tout de même la crédibilité de la capitale européenne qui est aussi le siège de l'OTAN. Peut-être, cette fois, PAN se fera-t-il entendre ? On peut toujours rêver...

Rester connecté. A suivre prochainement…

Paul Ymépatraux

NDLR : A l'exception de Mukhtar Ablyazov, condamné à plusieurs reprises, et de Pier-Antonio Panzeri, en aveux de corruption, toutes les personnes citées dans cette enquête sont actuellement présumées innocentes

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EU Reporter publie des articles provenant de diverses sources extérieures qui expriment un large éventail de points de vue. Les positions prises dans ces articles ne sont pas nécessairement celles d'EU Reporter.

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