La Commission va bientôt rentrer dans la mêlée de l’immigration. Reste à savoir s'il le fera timidement ou dans un flambeau de courage politique. Dans les semaines à venir, elle doit dévoiler ses idées pour une «Autorité européenne du travail», un nouvel instrument puissant qui ne concerne pas spécifiquement les travailleurs migrants, bien que ses objectifs incluent clairement l'accélération de la réinstallation des immigrés et l'aide à leur trouver un emploi.
Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, a signalé cette initiative presque en aparté lors de son discours annuel sur l'état de l'Union en septembre dernier. Aucun détail n'est apparu depuis pour orner les quelques mots fades qui parlaient de "mieux gérer les situations transfrontalières" et de "promouvoir les opportunités offertes par le marché du travail européen tant pour les entreprises que pour les travailleurs".
Nous devrons attendre de voir quel mandat la Commission propose de donner à ce nouvel organe et quelles seront les réactions des États membres de l'UE. L'idée d'une nouvelle `` autorité '' pourrait soit verser de l'huile fraîche sur les flammes du programme de partage du fardeau des réfugiés non résolu de Bruxelles, soit si elle est gérée avec habileté, elle pourrait aider à créer un nouveau cadre pour résoudre le problème migratoire imminent de l'Europe.
Lentement, et souvent à contrecœur, les planificateurs politiques de toute l'Europe se rendent compte que la tendance à la retraite à la hausse associée à une faible fécondité signifie que la main-d'œuvre active de l'UE, qui compte 240 millions de personnes, sera d'environ 25 millions de moins d'ici 30 ans. C'est une énorme partie des recettes fiscales et de la consommation manquantes, ainsi qu'un fardeau supplémentaire pour les soins de santé et les pensions. Une productivité accrue et des marchés du travail plus efficaces y contribueront, mais la solution la plus évidente est davantage d'immigration.
La commission a depuis un certain temps fait des prévisions discrètes sur tout cela, mais s'est abstenue de la tête d'affiche de peur d'exacerber le conflit des réfugiés en Europe. Il s'efforce néanmoins de se frayer un chemin vers une politique migratoire commune, les fonctionnaires cherchant des moyens de sortir de l'impasse entre les gouvernements de l'UE sur son plan de partage du fardeau des réfugiés. Cela a été proposé par Bruxelles à la suite de la «crise des migrants» de 2015-16, mais torpillé par le bloc de Visegrad des Européens du centre et de l'est.
La Commission devrait plutôt se concentrer sur une approche plus constructive et volontaire qui va bien au-delà des quotas de réinstallation. Les Etats membres devraient être invités à se mettre d'accord sur ce que sont, et ne sont pas, les responsabilités et prérogatives nationales en matière d'immigration. Cela contribuerait grandement à définir les paramètres d'actions collectives au niveau de l'UE.
Le nouveau cadre devrait inclure un accord sur des réponses politiques plus souples afin que les États membres puissent décider quels problèmes ils doivent gérer eux-mêmes. L'accent mis sur les actions volontaires rassurerait les gouvernements que Bruxelles a abandonné le partage rigide des charges.
Sur le plan financier, la Commission envisage une sorte de «mécanisme européen de solidarité» pour répartir les coûts d'investissement dans la réinstallation, le logement et la formation des migrants. Cela aiderait à couvrir les coûts accessoires tels que l'intensification des politiques de développement pour l'Afrique. L'idée de Bruxelles est que les membres les plus pauvres de l'UE - notamment les refusenik de Visegrad - pourraient préférer contribuer «en nature» à la nouvelle stratégie migratoire en fournissant des équipements et du personnel aux initiatives pertinentes.
La Commission aura probablement un dur combat à venir car, jusqu'à présent, les populistes ont remporté toutes les batailles sur l'immigration. Jouant sur les craintes que l'Europe soit «submergée» par des boat people non réglementés, dont certains pourraient même être des djihadistes, les opposants à l'immigration ont défendu avec succès le besoin de murs plutôt que l'intégration des nouveaux arrivants.
Mais cela ne résoudra pas les besoins en main-d'œuvre de l'Europe, ni la pression irrésistible exercée par les explosions de population en Afrique et dans le monde arabe. Les arguments en faveur d'une stratégie migratoire paneuropéenne mesurée et à long terme sont irréfutables et doivent être défendus par la Commission plus fort et avec beaucoup plus de conviction qu'à ce jour.
Dans le même temps, il est intéressant de noter que l'élaboration des politiques de la commission sur la migration doit désormais être largement entre les mains de la Grèce. Dans une anomalie inhabituelle, la promotion de Paraskevi Michou en tant que nouveau directeur général pour les migrations et les affaires intérieures signifie qu'elle et son commissaire, Dimitris Avramopoulos, sont de la même nationalité. Il est à espérer que cette dérogation à la pratique normale n'affaiblira en aucune façon la main de la Commission lorsqu'elle préconise une nouvelle approche de l'UE sur les questions épineuses de l'immigration.