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Nouveau sondage : l'Europe inquiète, les autres puissances optimistes sur Trump 2.0

Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche la semaine prochaine est largement perçu comme une « bonne chose » pour la paix dans le monde, l’influence américaine et le dialogue entre les grandes puissances. Pourtant, ce sentiment n’est pas partagé par certains des plus proches alliés de Washington, notamment les citoyens du Royaume-Uni, de l’UE et de la Corée du Sud. C’est le principal constat d’un nouveau sondage d’opinion multi-pays, publié aujourd’hui par le Conseil européen des relations étrangères (ECFR) en coopération avec le projet Europe in a Changing World de l’Université d’Oxford. L’étude, «Seuls dans un monde trumpien : l'UE et l'opinion publique mondiale après les élections américaines», est étayée par des données d’enquête provenant de 24 pays et révèle que les attitudes du public à l’égard de la puissance américaine et de son rôle mondial ont changé, écrivent les auteurs de l'ECFR.
Les États-Unis ne sont plus perçus comme un promoteur de leurs valeurs et un défenseur mondial de l’ordre international libéral. Au contraire, contrairement à ce que dit le président élu Donald Trump, qui a déclaré qu’il souhaitait « rendre sa grandeur à l’Amérique », rares sont ceux qui voient un avenir dans lequel les États-Unis occuperont le rôle de première superpuissance mondiale. En effet, le sondage de l’ECFR montre que la plupart des personnes interrogées voient la Chine – plutôt que l’Amérique – comme le pays qui assumera ce rôle dans la période à venir. Cela suggère que le retour de Trump intervient alors que l’exceptionnalisme géopolitique américain commence à s’estomper et laisse entrevoir une destination où les États-Unis siégeront parmi d’autres grandes puissances dans un monde multipolaire.
Les principales conclusions de la dernière enquête multinationale de l'ECFR sont les suivantes :
- Les citoyens des principales puissances moyennes sont optimistes quant au retour de Donald Trump. Dans des pays comme l'Inde, la Chine, la Turquie et le Brésil, la majorité ou la pluralité des personnes interrogées pensent que le retour de Trump sera une « bonne chose » pour la paix dans le monde, pour leur pays et pour les citoyens américains. Ce constat est particulièrement marqué en Inde (82 % des personnes interrogées considèrent que c'est une « bonne chose » pour la paix dans le monde, 84 % pour « leur pays » et 85 % pour les citoyens américains) et en Arabie saoudite (57 % pour la paix dans le monde, 61 % pour leur pays et 69 % pour les citoyens américains).
- Le discours de Trump sur la paix en Ukraine et au Moyen-Orient a eu un écho mondialEn Inde, par exemple, de larges majorités (65 % pour l’Ukraine, 62 % pour le Moyen-Orient) pensent que le retour de Trump rendra la paix plus probable. Cette position est également évidente en Arabie saoudite (62 % pour l’Ukraine, 54 % pour le Moyen-Orient), en Russie (61 % pour l’Ukraine, 41 % pour le Moyen-Orient), en Chine (60 % pour l’Ukraine, 48 % pour le Moyen-Orient) et aux États-Unis (52 % pour l’Ukraine, 44 % pour le Moyen-Orient). Les Ukrainiens, en revanche, sont plus réticents à l’égard de la capacité de Trump à ramener la paix, les sondés étant largement divisés sur la question (39 % pensent que son retour contribuera à ramener la paix en Ukraine, et 35 % estiment que c’est moins probable). L’optimisme quant aux capacités de Trump à faire la paix est le plus faible en Europe et en Corée du Sud.
- Les alliés de l’Amérique sont inquiets à propos de Trump 2.0 – et doutent qu’il apporte un changement positif. Au Royaume-Uni, en Corée du Sud et dans les pays de l’Union européenne (tous deux alliés clés des États-Unis), les sceptiques sont nombreux quant à la capacité d’une présidence Trump à changer la situation en Ukraine ou au Moyen-Orient. Seuls 24 % des Britanniques, 31 % des Sud-Coréens et 34 % des Européens (résultat moyen des 11 pays de l’UE sondés) pensent que le retour de Trump rendrait plus probable la paix en Ukraine, tandis qu’un nombre encore plus faible de personnes (16 % au Royaume-Uni, 25 % dans l’UE et 19 % en Corée du Sud) pensent qu’il rendra plus probable la paix au Moyen-Orient. Plus généralement, seulement un Américain sur cinq dans l’UE (22 %) déclare considérer désormais les États-Unis comme un allié. Ce chiffre est en baisse significative par rapport à il y a deux ans (31 %) et contraste avec la proportion d’Américains qui considèrent l’UE comme un allié (45 %).
- L’influence des États-Unis dans le monde devrait croître, même si peu de gens pensent qu’elle aboutira à une domination mondiale. L’opinion dominante, dans l’opinion publique interrogée, est que les États-Unis auront « davantage » d’influence mondiale au cours des dix prochaines années, mais ils ne voient pas cela comme le début d’un « retour à la grandeur de l’Amérique ». L’idée d’une domination américaine n’est pas largement partagée, avec des majorités en Chine, en Russie, en Arabie saoudite, en Turquie, en Indonésie, en Afrique du Sud, en Suisse, au Brésil, dans l’UE et au Royaume-Uni prédisant que la Chine deviendra la plus grande puissance du monde dans les 20 prochaines années. Seules les majorités en Ukraine et en Corée du Sud considèrent qu’un tel résultat est « improbable » – alors que l’opinion publique en Inde et aux États-Unis est divisée sur ce point..
- Le rapport identifie cinq groupes de citoyens distincts au retour de Trump à la Maison BlancheLes « Trump Welcomers », plus nombreux en Inde (75 %) et en Arabie saoudite (49 %), et populaires en Russie (38 %), en Afrique du Sud (35 %), en Chine (34 %) et au Brésil (33 %), voient le président élu comme positif pour les Américains et pour la paix dans le monde. Les « Never Trumpers », qui enregistrent les parts les plus élevées de l'opinion publique au Royaume-Uni (50 %), en Suisse (37 %) et dans l'UE (28 %), voient sa victoire d'un œil négatif, tant pour les citoyens américains que pour la paix dans le monde. Les « Peace-seekers », qui considèrent la réélection de Trump comme meilleure pour la paix dans le monde que pour les citoyens américains, sont les plus nombreux en Chine (21 %), en Suisse (16 %) et en Ukraine (13 %). Les « Conflicted », qui viennent de pays qui risquent de voir les Américains relocaliser leurs activités – dont 48 % des Sud-Coréens – pensent que l'élection de Trump est pire pour la paix dans le monde que pour les citoyens américains. Enfin, il y a les « incertains », qui adoptent une attitude prudente et attentiste, estimant que Trump n’est « ni bon ni mauvais » pour les citoyens américains et la paix dans le monde. Cette position est particulièrement prononcée en Ukraine (20 %) et en Russie (16 %).
- L’UE est tenue en haute estime et nombreux sont ceux qui voient son influence croître. Français Les majorités en Inde (62 %), en Afrique du Sud (60 %), au Brésil (58 %) et en Arabie saoudite (51 %), et une majorité en Ukraine (49 %), en Turquie (48 %), en Chine (44 %), en Indonésie (42 %) et aux États-Unis (38 %) pensent que l'UE exercera « davantage d'influence », à l'échelle mondiale, au cours de la prochaine décennie. L'Union est également largement considérée comme un « allié » ou un « partenaire nécessaire » par les répondants des pays interrogés. Ce point de vue est le plus prononcé en Ukraine (93 % allié ou partenaire, contre 4 % rival ou adversaire), aux États-Unis (76 % allié ou partenaire, contre 9 % rival ou adversaire), en Corée du Sud (79 % contre 14 %). Mais c'est également un point de vue majoritaire partout ailleurs, sauf en Russie.
Les experts en politique étrangère et auteurs du rapport, Mark Leonard, Ivan Krastev et Timothy Garton Ash, suggèrent que les dirigeants européens pourraient avoir du mal à trouver une unité interne ou des alliés mondiaux s'ils tentent de façonner une résistance libérale mondiale au président élu. Au cours des deux dernières années, alors que l'administration Biden se tenait aux côtés de l'Europe dans le cadre de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, il était encore possible de parler d'une »Ouest uni» Cependant, avec le retour de Trump, les divisions ne se limitent pas aux États-Unis et à l'Europe, ainsi qu'à d'autres alliés clés comme la Corée du Sud, mais se développent également au sein de l'UE elle-même.
Les auteurs identifient des tendances qui pourraient aider l’UE dans ce contexte et l’aider à devenir plus forte et plus unie dans la période à venir. Tout d’abord, son sentiment de certitude quant à ses propres intérêts et à la façon dont elle façonne ses relations avec les puissances. Ensuite, la perception mondiale de son statut de puissance mondiale et de son influence croissante. Et enfin, son potentiel de partenariats stratégiques, avec des pays comme le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud, où les gens voient largement l’UE à la fois comme puissante et comme un allié ou un partenaire. Le récent accord commercial UE-Mercosur montre le type d’accords qu’une UE plus unie pourrait conclure, notent les auteurs, et recommandent qu’au lieu de se poser en arbitre moral, l’Europe renforce sa force intérieure et recherche de nouveaux partenariats bilatéraux pour défendre ses propres valeurs.
Commentant les résultats, le co-auteur et président du Centre pour les stratégies libérales, Ivan Krastev, a déclaré : « L’Europe est assez seule dans son inquiétude face au retour de Trump à la Maison Blanche. Si de nombreux Européens voient en le président élu un perturbateur, d’autres, ailleurs dans le monde, le voient comme un artisan de paix. Cette position place l’Europe à la croisée des chemins dans ses relations avec la nouvelle administration américaine. »
Mark Leonard, cofondateur et directeur de l'ECFR, a ajouté : « Bien que de nombreux Européens s’inquiètent de la perspective de voir Trump à la Maison Blanche, la plupart des autres pays pensent que sa présidence sera bénéfique pour les États-Unis, le monde et la paix en Ukraine et au Moyen-Orient. Plutôt que d’essayer de mener une résistance mondiale contre Trump, les Européens devraient assumer la responsabilité de leurs propres intérêts et trouver des moyens de construire de nouvelles relations dans un monde plus transactionnel. »
Le co-auteur et historien, Timothy Garton Ash, a déclaré : « L’Europe est peut-être presque seule dans un monde trumpien, mais cela ne signifie pas que nous, Européens, sommes impuissants. Ce nouvel espace transactionnel offre des possibilités d’alliances et d’influence. En effet, le fait même que l’UE soit tenue en si haute estime par les citoyens de tant de pays et qu’elle devrait même gagner en force au cours de la prochaine décennie devrait donner aux dirigeants l’espoir qu’il y a de la place pour une Europe forte et indépendante dans le monde. »
Cette nouvelle enquête et l’analyse qui l’accompagne font partie d’un projet plus vaste du Conseil européen des relations étrangères visant à comprendre les points de vue des citoyens sur les grandes questions mondiales. Les publications antérieures appuyées par des sondages comprennent des examens des attitudes européennes à l’égard de l’Ukraine et de la Russie avant, six mois et un an après le début du conflit actuel ; la mesure dans laquelle la pandémie de COVID-19 a réorganisé les opinions et les identités politiques en Europe ; et une analyse de l’opinion publique sur les points de vue et les attentes à l’égard des États-Unis et d’autres puissances internationales.
Vous trouverez plus d'informations et des détails sur les autres résultats de ce programme à l'adresse suivante : https://www.ecfr.eu/europeanpower/unlock.
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