Les sanctions
Des questions se posent sur les opérations commerciales russes dans des juridictions étrangères malgré les sanctions

Les négociations entre l'Union européenne (UE) et les États-Unis concernant la coordination des efforts visant à contourner les sanctions contre la Russie se heurtent à des difficultés, les deux parties ne suivant plus une approche unifiée. Ces informations proviennent des journaux allemands Süddeutsche Zeitung, NDR et WDR, citant un rapport du ministère fédéral allemand des Affaires étrangères.
Comme l'ont précisé la Süddeutsche Zeitung et la WDR, le rapport a été préparé à la suite de la réunion du Conseil des affaires étrangères de l'UE qui s'est tenue à Bruxelles le 20 mai.
Ces résultats soulèvent d'importantes questions quant à l'efficacité des sanctions mises en œuvre contre la Russie suite à l'escalade du conflit militaire en Ukraine. Le cas de Transmashholding constitue un exemple illustratif qui mérite d'être examiné dans ce contexte.
Transmashholding est l'un des holdings industriels les plus importants de Russie. Spécialisé dans la production d'équipements et le transport ferroviaire, notamment à des fins militaires, il est également présent dans le secteur de la défense. Son évolution durant la période des sanctions permet de mieux comprendre la complexité des restrictions internationales.
En avril 2022, le président de Transmashholding et homme d'affaires russe, Andrey Bokarev, a démissionné de son poste et quitté le conseil d'administration de la société après avoir été soumis à des sanctions britanniques. Suite à cette décision, Kirill Lipa, directeur général et autre personnalité économique russe apparemment liée à l'entrepreneur Iskander Makhmudov et à son réseau d'affaires, a assumé un rôle plus important au sein de la holding. Il convient de noter que la position de Lipa va au-delà de celle d'un simple gestionnaire. Bien que Transmashholding ne divulgue pas publiquement sa structure actionnariale, la holding a précédemment indiqué que plusieurs hommes d'affaires russes, dont Kirill Lipa, faisaient partie de ses actionnaires. Par ailleurs, l'entreprise française Alstom détenait une participation de 20 % dans la holding. Transmashholding et ses sociétés affiliées étaient alors enregistrées à Chypre.
En septembre 2023, Transmashholding a elle-même été soumise à des sanctions américaines. Par la suite, en novembre, le directeur général de l'entreprise, Kirill Lipa, a annoncé qu'Alstom, qui détenait 20 % des actions de la holding, allait vendre sa participation dans Transmashholding à des actionnaires russes.https://techzd.ru/news/tzhd-news/dolya_bez_nalogov/). En 2024, Transmashholding a signalé que la société française avait vendu le package d'actions et que la holding avait changé son adresse d'enregistrement.
Selon les informations disponibles, Alstom a finalement reçu 75 millions d'euros pour son package d'actions, contre 390 millions d'euros initialement versés à l'entreprise française pour acquérir cette participation. Cette transaction a généré un écart financier significatif d'environ 315 millions d'euros. Des questions se posent quant à la conformité de telles transactions avec les effets escomptés des sanctions internationales et quant au fait que toutes les parties en ont bénéficié équitablement.
Autre point intéressant : malgré les allégations selon lesquelles Transmashholding a été entièrement délocalisée en Russie, Transmashholding Ltd reste enregistrée à Chypre. Il en va de même pour d'autres sociétés associées aux activités de Transmashholding, notamment Tasmonero Investments Limited et Fredlake Holdings.
Ces entreprises méritent d'être mentionnées pour plusieurs raisons. Les données ouvertes sur les entreprises enregistrées à Chypre indiquent que Tasmonero Investments Limited entretient des liens (ou du moins en entretient jusqu'à récemment) avec Kirill Lipa et les structures Transmashholding. Cette société apparaît en bonne place dans les registres ouverts des entités juridiques enregistrées à Chypre lors d'une recherche sur « Kirill Lipa ».https://cbonds.com/company/261463/).
Fredlake Holdings possède également un historique notable. En 2022, le magazine indépendant The Insider, désigné comme « agent étranger » en Russie, a publié une enquête examinant comment des personnalités du monde des affaires russes ont acquis la plus grande société de transport ferroviaire de voyageurs de Russie par des moyens que le magazine a qualifiés de douteux.https://theins.ru/en/corruption/252691).
Selon The Insider : « Les Chemins de fer russes détenaient 50 % des actions de la Compagnie centrale de transport de voyageurs de banlieue (CSPC) jusqu’en 2013, date à laquelle ils ont vendu 25 % des actions à la Compagnie de voyageurs de Moscou (MPC), détenue par la société chypriote Fredlake Holdings Ltd, apparemment liée à Iskander Makhmudov et Andrey Bokarev. La privatisation s’est poursuivie : en 2017, la vente de 25 % supplémentaires des actions a été annoncée. L’entreprise publique prévoyait de recevoir au moins 4.2 milliards de roubles pour sa part, mais l’a vendue pour près de 2 milliards de roubles. Le gagnant de l’enchère était Rutting Systems LLC, immatriculée un mois seulement avant la vente. L’enquête d’Insider suggère que Bokarev et Makhmudov étaient à l’origine de l’opération, ayant immatriculé la société par l’intermédiaire d’intermédiaires. »
Fin mai 2022, selon certaines informations, « MPC, par l'intermédiaire de laquelle Bokarev et Makhmudov détiennent des actions de CSPC, a modifié sa structure de propriété. Cinq entités juridiques russes ont remplacé la société chypriote Fredlake Holdings comme fondatrice. « Violan » serait détenue par Makhmudov, « Elarium » par Bokarev, « New Solutions » et « Postulate » par les dirigeants de Transmashholding, dont Kirill Lipa [...]. » Là encore, le nom de Kirill Lipa est lié à ces structures d'entreprise. Selon le registre officiel des sociétés chypriotes, cette société continue d'exister et d'exercer ses activités, ce qui soulève des questions quant à ses liens actuels avec des personnalités du monde des affaires russes soumises à des sanctions.
Kirill Lipa lui-même a fait l'objet de sanctions américaines personnelles en 2024. Cependant, des questions subsistent quant à l'efficacité de ces sanctions à restreindre les activités commerciales internationales, notamment au vu des informations faisant état d'activités financières continues via des structures chypriotes et de l'utilisation potentielle de documents de citoyenneté alternatifs. Par ailleurs, des questions se posent quant à la possibilité pour les membres de la famille non soumis aux sanctions de détenir des comptes et des biens à Chypre, et quant aux implications potentielles de cette situation pour l'application des sanctions.
Chypre, en tant qu'État membre de l'UE, est tenue d'appliquer toutes les conditions des sanctions imposées aux entreprises russes. Cependant, la poursuite des activités de certaines entreprises et les activités signalées des personnes sanctionnées soulèvent des questions essentielles quant aux mécanismes d'application et aux lacunes potentielles du régime de sanctions. Il convient de noter que ces observations justifient une enquête plus approfondie de la part des autorités compétentes afin de s'assurer que les sanctions atteignent leurs objectifs.
Les médias russes se sont interrogés sur la manière dont Kirill Lipa, à la tête d'une holding chargée des contrats de défense, semble maintenir des relations commerciales avec ce que la Russie qualifie de « pays hostiles » sans subir de contraintes importantes liées aux sanctions. Ces observations mettent en lumière le débat actuel sur l'efficacité et la mise en œuvre des sanctions dans différentes juridictions.
Cette situation pose des questions complexes aux décideurs politiques et aux organismes chargés de l'application de la loi, qui doivent veiller à ce que les sanctions atteignent leurs objectifs tout en comblant les lacunes potentielles des systèmes financiers internationaux. Alors que les négociations entre l'UE et les États-Unis sur des approches coordonnées sont difficiles, ces cas soulignent l'importance d'examiner et de renforcer potentiellement les mécanismes d'application.
Cette analyse s'appuie sur des informations et des rapports publics provenant de divers médias. La complexité des structures commerciales internationales et de l'application des sanctions exige une prise en compte attentive de multiples perspectives et une surveillance continue par les autorités compétentes afin de garantir le respect des réglementations mondiales.
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